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METHODE

Comment mesurer les risques psychosociaux (RPS) : comprendre, évaluer et agir

 

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Une collègue définit ce que sont les risques psychosociaux.

Burn-out, tensions interpersonnelles, démotivation, absentéisme récurrent… Les risques psychosociaux (RPS) ne sont plus un sujet tabou. Ils sont aujourd’hui au cœur des préoccupations des entreprises, des salariés et des partenaires sociaux. Ces risques, d’apparence invisibles, peuvent pourtant avoir des conséquences très concrètes sur la santé, la performance et le climat social.

Mais comment les détecter précocement ? Comment les mesurer de façon fiable ? Et surtout, comment agir ? L’enquête sur les risques psychosociaux est un outil puissant pour objectiver la situation, engager le dialogue et construire un plan d’amélioration durable.

 


Résumé de l'article

  • Les risques psychosociaux (RPS) désignent l’impact du travail sur la santé mentale et sociale des salariés (stress, conflits, perte de sens, harcèlement…).
  • Ils peuvent être évalués à travers une enquête structurée, construite autour de six dimensions clés : intensité du travail, exigences émotionnelles, autonomie, relations sociales, conflits de valeurs, insécurité.
  • L’enquête permet d’objectiver les zones de tension, de nourrir le dialogue social et d’identifier les actions prioritaires.
  • L’analyse des données (quantitatives et verbatims) doit être segmentée, rigoureuse, et partagée avec les IRP pour être mobilisatrice.
  • Les résultats doivent déboucher sur un plan d’action concret et intégré au DUERP, avec un suivi dans le temps.
  • L’enquête RPS peut devenir un baromètre régulier favorisant la prévention durable et l’amélioration du bien-être au travail.

 

 

Risques psychosociaux : de quoi parle-t-on vraiment ?


Une définition à la croisée entre humain et organisation

Contrairement aux risques professionnels classiques (bruits, chutes, produits toxiques...), les RPS relèvent de l’interface entre le travail et la santé mentale ou sociale des individus. Ils découlent d’une situation de travail dégradée ou mal adaptée qui, sur le long terme, peut affecter l’équilibre psychique, la motivation ou les relations entre collègues.

Les RPS ne disposent pas d’une définition juridique stricte, mais ils sont encadrés par plusieurs accords et jurisprudences. Le Code du travail impose à l’employeur de protéger la santé physique et mentale des salariés (article L4121-1).

 

Une typologie aujourd’hui stabilisée

Les risques psychosociaux regroupent généralement les éléments suivants :

  • Le stress chronique, généré par un décalage entre les exigences du travail et les ressources disponibles ;

  • Les violences internes, comme le harcèlement moral ou sexuel ;

  • Les violences externes, subies de la part de clients, usagers ou partenaires extérieurs ;

  • La souffrance éthique, lorsque les salariés sont en conflit avec leurs valeurs professionnelles.

Il est essentiel de retenir que les RPS ne relèvent pas uniquement de fragilités individuelles. Ils sont très largement influencés par l’organisation du travail.

 
 

Identifier les facteurs de RPS : les 6 grandes dimensions à explorer

Les recherches menées par l’INRS, l’ANACT ou la DARES ont permis de structurer les risques psychosociaux autour de six grandes dimensions, aujourd’hui largement reconnues dans les démarches de prévention.

L’intensité et le temps de travail

Cette dimension renvoie à la charge mentale et physique demandée, mais aussi au rythme et à l’amplitude horaire : pression sur les délais, horaires atypiques, interruptions fréquentes, surcharge ou sous-charge de travail.

Les exigences émotionnelles

Il s’agit des situations dans lesquelles le salarié doit gérer ou réprimer ses émotions : travail en contact avec des publics difficiles, obligation de faire bonne figure, exposition à la souffrance ou à la détresse d’autrui, agressions verbales ou physiques.

L’autonomie et les marges de manœuvre

Cette dimension évalue le degré de liberté laissé au salarié pour organiser ses tâches, gérer les imprévus, participer aux décisions. Un manque d’autonomie accroît le sentiment de contrainte et de stress.

Les rapports sociaux et la reconnaissance au travail

Elle englobe la qualité des relations entre collègues, avec la hiérarchie, le soutien reçu, mais aussi la reconnaissance symbolique (félicitations, feedback) ou matérielle (rémunération, promotion). Le manque de reconnaissance est l’un des premiers facteurs de souffrance au travail.

Les conflits de valeur

Ils surviennent lorsqu’un salarié est contraint d’agir à l’encontre de ses convictions professionnelles, éthiques ou personnelles : tâches inutiles ou absurdes, pratiques contraires à sa déontologie, conflits entre valeurs personnelles et injonctions de l’organisation.

L’insécurité de la situation de travail

Elle regroupe la peur de perdre son emploi, le flou sur l’évolution de carrière, les changements imposés mal accompagnés, ou encore les transformations structurelles anxiogènes.

 

Ces six dimensions doivent être au cœur de toute enquête sur les risques psychosociaux : elles fournissent une trame cohérente pour explorer les ressentis, identifier les zones de tension et construire des indicateurs fiables.

 

 

 

Pourquoi mener une enquête sur les risques psychosociaux ?


De la prévention aux obligations réglementaires

L’enquête RPS répond à plusieurs objectifs :

  • Prévenir les troubles de la santé mentale au travail avant qu’ils ne se manifestent visiblement ;

  • Objectiver un climat social dégradé pour prendre des décisions à froid ;

  • Contribuer à l’évaluation des risques professionnels (DUERP) ;

  • Impliquer les salariés et les représentants du personnel dans une démarche de co-construction.

Rappel : depuis le 31 mars 2022, les entreprises de plus de 50 salariés doivent formaliser un programme annuel de prévention des risques professionnels, dont les RPS font partie.

 

Intégrer les RPS dans le DUERP : une obligation et une opportunité

Le Document Unique d'Évaluation des Risques Professionnels (DUERP) est l’outil central de la prévention en entreprise. Il recense l’ensemble des risques auxquels sont exposés les salariés. Les RPS doivent y figurer comme tout autre type de risque.

L’enquête RPS est un moyen efficace pour alimenter le DUERP avec des données objectives issues du terrain. Elle permet d’identifier les situations à risque, de prioriser les actions, et de démontrer que l’entreprise a mis en œuvre une démarche structurée et participative.

Le DUERP devient alors plus qu’un simple document réglementaire : il devient un outil de pilotage du bien-être au travail.

DUERP : modèle de document unique complété avec des exemples de risques… |  Laetitia MULLER

 

Bénéfices stratégiques de l’enquête RPS

  • Meilleure fidélisation des talents

  • Amélioration de la qualité de vie et des conditions de travail (QVCT)

  • Réduction des coûts liés à l’absentéisme et au turn-over

  • Image employeur valorisée

 

 

Concevoir une enquête RPS efficace

Une enquête sur les risques psychosociaux ne s’improvise pas. Pour qu’elle soit utile et crédible, elle doit s’appuyer sur une méthodologie rigoureuse, adaptée au contexte de l’entreprise, à sa taille, à sa culture et à ses enjeux sociaux.

 

Clarifier les objectifs de l’enquête

Avant de rédiger une seule question, il est essentiel de répondre à une question simple : que souhaite-t-on apprendre ?

  • Cartographier les facteurs de RPS dans l’ensemble de l’entreprise ?

  • Mesurer l’évolution d’un climat social après une réorganisation ?

  • Alimenter la mise à jour du DUERP ?

  • Identifier les besoins spécifiques de certains services ?

Un objectif clair permet de cibler les bons publics et de construire un questionnaire pertinent.

 

Définir les populations à interroger

L’enquête peut s’adresser à l’ensemble des salariés ou à des échantillons représentatifs. Il peut être utile de distinguer certaines catégories :

  • Managers / non-managers

  • Métiers exposés / non exposés

  • Sites géographiques ou services spécifiques

Une segmentation préalable permet d’identifier les disparités entre équipes ou unités, et d’orienter les actions avec plus de précision.

 

Construire un questionnaire structuré et équilibré

Un bon questionnaire RPS doit combiner :

  • Des questions fermées (échelles de Likert) pour mesurer le ressenti sur les 6 dimensions identifiées (cf. partie 2).

  • Des questions ouvertes pour recueillir les verbatims, souvent révélateurs des tensions ou irritants spécifiques.

  • Des questions sociodémographiques anonymisées (ancienneté, fonction, localisation...) pour permettre des croisements statistiques utiles sans compromettre la confidentialité.

Il est conseillé de ne pas dépasser 10 à 15 minutes de remplissage, sous peine de décourager la participation. Le ton doit rester neutre, bienveillant et clair.

 

Garantir la confidentialité et le respect du RGPD

L’anonymat est une condition essentielle pour la sincérité des réponses. L’enquête doit préciser :

  • Son objectif et son cadre (ex. : contribution au DUERP, dialogue social...)

  • La durée de conservation des données

  • L’identité du responsable de traitement et des éventuels prestataires impliqués

L’utilisation d’outils sécurisés (LimeSurvey, Sphinx, Typeform avec hébergement en France ou Europe) est recommandée.

 

Mettre en place une communication claire et engageante

Même la meilleure enquête reste inutile si personne n’y répond. Pour mobiliser, il est essentiel de :

  • Expliquer la démarche en amont (par le manager, la direction, les représentants du personnel)

  • Rassurer sur la confidentialité

  • Donner une échéance claire et courte

  • Relancer les retardataires sans pression

 

 

Analyser et interpréter les résultats de l’enquête RPS

Une fois l’enquête menée et les données collectées, vient le moment crucial de l’analyse. Il ne s’agit pas simplement de compiler des chiffres : l’objectif est de comprendre les signaux faibles, d’objectiver les zones à risque et d’alimenter le dialogue social.

 

Traitement des données quantitatives

Commencez par vérifier la complétude des réponses, identifier les doublons éventuels, et évaluer la représentativité de l’échantillon. Ensuite, analysez les résultats de manière globale, puis par segment (service, métier, site...).

Les tris croisés permettent d’identifier des situations contrastées : un service très exposé à l’insécurité professionnelle mais peu concerné par les conflits de valeur, par exemple.

Des scores moyens par dimension (stress, reconnaissance, autonomie...) permettent de cartographier les risques de manière synthétique.

 

Analyse qualitative des verbatims

Les réponses ouvertes sont souvent le cœur le plus riche de l’enquête. Elles permettent :

  • De contextualiser les résultats chiffrés,

  • De révéler des irritants non couverts par les questions fermées,

  • D’identifier des pistes d’action concrètes.

Utilisez une analyse sémantique ou thématique pour catégoriser les verbatims. Attention à ne pas sur-interpréter : le rôle du verbatim est d’éclairer, non de statuer.

 

Partage et interprétation collective

Impliquer les instances représentatives du personnel (CSE, CSSCT) dans la lecture des résultats est fondamental. Cela renforce la crédibilité du processus et prépare le terrain pour l’action. Une réunion de restitution peut être organisée avec les managers pour croiser regards et ressentis.

 

 

Passer à l’action : de l’enquête au plan de prévention

Un diagnostic sans plan d’action reste lettre morte. L’enquête RPS doit déboucher sur des mesures concrètes, visibles et adaptées aux réalités du terrain.

Formation RPS : quels objectifs et quel impact ?

 

Formaliser un plan d’action structuré

À partir des résultats, il est essentiel de hiérarchiser les priorités :

  • Ce qui relève de l’urgence (ex. : climat délétère dans une équipe, signaux de harcèlement...)

  • Ce qui nécessite un travail de fond (ex. : amélioration du management, clarté des missions)

  • Ce qui peut être traité à court terme (ex. : charge de travail ponctuelle)

Chaque action doit être assortie d’un responsable, d’un calendrier, et d’un indicateur de suivi.

 

Intégrer les actions dans le DUERP

Le DUERP est l’outil naturel pour formaliser les mesures de prévention. Il permet d’assurer la traçabilité des démarches engagées, de prioriser les risques, et de rendre visibles les efforts auprès des parties prenantes.

L’enquête devient ainsi une composante structurante de la stratégie de prévention de l’entreprise.

 

Créer une dynamique continue : baromètre RPS

Une enquête RPS ne doit pas être un événement isolé. Elle peut s’intégrer dans un baromètre social annuel ou biennal, permettant :

  • De suivre les évolutions,

  • De mesurer l’effet des actions engagées,

  • De montrer aux équipes que leur parole est prise en compte.

Un rythme régulier favorise la culture du dialogue, la prévention durable, et une amélioration continue du bien-être au travail.

 

 

Agir sur les risques psychosociaux, ce n’est pas cocher une case réglementaire : c’est poser les bases d’un environnement de travail plus sain, plus juste, et plus performant.
L’enquête RPS permet de sortir du ressenti isolé pour construire une vision partagée des fragilités et des tensions. Elle met à disposition de l’entreprise des données solides pour passer à l’action avec méthode.
Conduite avec rigueur, accompagnée d’un vrai plan d’action, elle devient un signal fort : celui d’une organisation qui écoute, qui anticipe, et qui place la qualité du travail au cœur de sa stratégie.
Prévenir les RPS, c’est finalement prendre soin de ce qui compte le plus : l’engagement, la santé et la confiance des femmes et des hommes qui font l’entreprise au quotidien.